BSSP et Courrières : la catastrophe minière la plus meurtière d'Europe (1906)

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BSSP et Courrières : la catastrophe minière la plus meurtière d'Europe (1906)

Nouveau messagede Admin » 16 Mar 2016, 20:36

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LES ARCHIVES DU FIGARO - Le 10 mars 1906 une dramatique explosion dans une mine près de Lens provoque la mort de 1.100 mineurs dont un tiers est âgé de moins de 18 ans. L'émotion est vive dans le monde entier.

Le 10 mars 1906 se produit une explosion dans une mine de Charbon de la Compagnie des mines de Courrières, situé près de Lens dans le Pas-de-Calais. Le souffle de l'explosion balaye cent-dix kilomètres de galeries. Officiellement 1.099 victimes, dans trois fosses, sont à déplorer sur les 1.800 mineurs descendus ce matin-là. C'est l'une des plus grandes catastrophes minières à ce jour.

L'émotion est vive en France et au-delà de l'hexagone. Émile Berr, le journaliste du Figaro envoyé sur les lieux au lendemain du tragique accident, rapporte dans l'édition du 13 mars 1906 «que de toute part arrivent de touchants témoignages de condoléances: de l'empereur d'Allemagne, des rois d'Italie, de Belgique, du Portugal, d'Espagne, de Suède; des gouvernements allemand, anglais, suisse, italien, belge, serbe, bulgare, brésilien.»

La solidarité dépasse les frontières de la région. Des mineurs belges, des sapeurs-pompiers de Paris et des sauveteurs allemands viennent prêter main-forte aux secours présents sur place.

La catastrophe très médiatisée suscite un élan de compassion et de générosité. Des souscriptions pour les familles des victimes sont ouvertes. Dons et subsides affluent. Le Figaro dans ses colonnes des 12 et 13 mars 1906 énumére les donateurs. Parmi ceux-ci figurent: le Comité des Houillères de France, le syndicat de la presse parisienne, l'Association syndicale de la presse étrangère, le gouverneur d'Algérie à titre personnel, la Société de bienfaisance allemande de Paris, et Son Altesse Sérénissime le prince de Monaco. Le journal publie également en Une le 14 mars 1906 la liste des sommes (et le nom des donateurs) adressées directement à son siège.

Après ce drame sans précédent, un violent mouvement social éclate dans les mines. Et l'État édicte des mesures de sécurité plus strictes: interdiction des puits simples et des lampes à feu nu; tandis que les appareils de sauvetage et la formation des sauveteurs deviennent obligatoires.

La catastrophe de Courrières fait la Une du Figaro pendant plusieurs jours. Le 11 mars 1906, un correspondant local du Figaro relate l'évènement, l'alerte donnée, l'arrivée des premières victimes: «un mineur est scalpé, d'autres sont brûlés, plusieurs sont presque nus.», et les opérations de sauvetage. Il décrit également l'ambiance à la surface de la mine: «des scènes déchirantes et épouvantables», «de toutes parts, dans le pays, les femmes éplorées accourent pour prendre des nouvelles de leurs maris»; une émotion indescriptible: «les femmes et les enfants pleurent et menacent de forcer les barrages de gendarmes.»

Article paru dans Le Figaro du 11 mars 1906.

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La catastrophe de Courrières: une explosion de grisou. Plus de 1.200 morts.

Une explosion d'une horreur sans précédent, puisqu'elle coûte la vie à plus de douze cents mineurs (1.219 d'après les chiffres que l'on admettait à la fin de la journée), a ravagé ce matin 10 mars les mines de Courrières, bassin de Lens. C'est à six heures et demie du matin que la catastrophe se produisit, et voici comment elle se manifesta d'abord pour les gens de la surface.

Au carreau de la fosse 4, une cage venait de s'abattre, contenant un homme mourant; la cage avait été projetée par l'explosion à 10 mètres de hauteur. La même chose se produisait au même moment à la fosse 3, la cage démolissait la toiture du moulinage; même explosion également, mais moins violente, aux fosses 2 et 5. Trois ouvriers rampant sur une échelle arrivent à demi asphyxiés; ils racontent qu'ils ont dû franchir des cadavres d'hommes et de chevaux pour arriver aux échelles; ils fournissent les premiers renseignements sur le choc.

Les gendarmes ont peine à maintenir la foule qui veut voir ceux qui sont remontés, chacun espérant y trouver un membre de sa famille.

Immédiatement, l'alarme est donnée, des gendarmes et de nombreux médecins de Lens et de Liévin arrivent, ainsi que M. Bar, ingénieur en chef, M. Domaison, ingénieur principal, M. Bousquet, ingénieur, et le chef porion qui descendent dans les puits. De toutes parts, dans le pays, les femmes éplorées accourent pour prendre des nouvelles de leurs maris.

Des scènes déchirantes et épouvantables se produisent; dans les rues tout le monde pleure quand on apprend que la catastrophe s'étend à plusieurs fosses et que le nombre des morts est incalculable. On essaye des secours qui ne peuvent être effectués que par le numéro 4 et le numéro 10, celui-ci n'ayant pas été atteint, mais communiquant avec les autres. Au n°4, une seule cage peut servir; elle remonte 12 survivants à chaque voyage; quelques-uns sont indemnes, mais restent abasourdis; on peut ainsi en retirer 47.
Illustration de la catastrophe de Courrières dans le journal «Le petit Parisien» du 25 mars 1906: des sauveteurs explorent les galeries et remontent les victimes.

Les gendarmes ont peine à maintenir la foule qui veut voir ceux qui sont remontés, chacun espérant y trouver un membre de sa famille; on amène, dans des voitures, quantité de civières et de matelas; les premiers soins sont donnés aux blessés. Des équipes de bonne volonté descendent pour porter secours, au risque d'être asphyxiées.

On fait marcher les ventilateurs à toute vitesse pour balayer les gaz délétères. Lorsque la première équipe de secours arrive, elle trouve des cadavres amoncelés et déchiquetés, et les sauveteurs entendent quelques soupirs et essayent de secourir; mais on ne peut rester, car l'air est irrespirable. Enfin, à deux heures, la première cage de victimes remonte: un mineur est scalpé, d'autres sont brûlés, plusieurs sont presque nus. Lorsque la dernière cage remonte avec 2 hommes blessés peu grièvement, on annonce que tous les autres sont des cadavres. Ils sont au nombre de 680 dans cette seule fosse.

La mort est provoquée soit par asphyxie ou par les éboulements nombreux qui se produisent. Les berlines ramènent alors des cadavres méconnaissables. La fosse n°10 est utilisée pour retirer les corps de la fosse n°2; on remonte quelques blessés, mais surtout des cadavres: on a ainsi retiré jusqu'à présent 90 cadavres de la fosse n°2 et 59 de la fosse n°3. À la fosse n°2, sur 500 mineurs descendus ce matin, on en a remonté 388; tout sauvetage des autres est impossible actuellement. À la fosse n°3, sur 443 mineurs descendus, on en a seulement remonté 13. La cage ne fonctionnant pas et les échelles étant brisées, on désespère de retirer les autres. À la fosse 4, sur 852 mineurs descendus 135 ont été remontés avant l'explosion, par ordre de l'ingénieur Barot, à cause du travail de barrages et de l'empêchement de l'accès de certaines galeries; 40 autres ouvriers ont été remontés par des échelles et 10 par les cages, 5 ont été tués.
Mars 1906: enterrement des victimes de la catastrophe de Courrières. Les cercueils sont portés dans la cour de la fosse avant la mise en marche du cortège.

Un mineur, nommé Pierre Dasson, vingt-deux ans, habitant Méricourt, qui a pu s'échapper, a raconté qu'il se trouvait à 280 mètres, à proximité relative de l'orifice du puits, au moment où il fut frappé par le bruit de l'explosion. Immédiatement, dit-il l'air se raréfia et se chargea de vapeurs toxiques. Dasson se porta instinctivement vers le puits de la fosse n°2, mais à proximité du puits plusieurs de ses camarades se trouvaient asphyxiés.Ils étaient tombés dans la galerie exténués: ils réclamèrent des secours immédiats et Dasson, malgré son état, les chargea sur sa berline. Il parvint ainsi à les pousser jusqu'à la fosse n°10.

À la fosse n°4, les ouvriers sauveteurs viennent de remonter MM. Laffitte, ingénieur en chef, et Dinoire, ingénieur, principal des mines de Lens, qui avaient été frappés d'asphyxie. On parvient à leur faire reprendre connaissance, et ils sont dirigés sur Lens.

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Les uns croient à une explosion de grisou, les autres à un incendie de poussières.

La foule entoure la fosse 4. L'émotion est indescriptible; les femmes et les enfants pleurent et menacent de forcer les barrages de gendarmes.

Concernant l'origine de la catastrophe, on fait hypothèse sur hypothèse. La nuit dernière, un incendie, qui couvait depuis deux ou trois jours, s'était déclaré dans la fosse Cécile n°3 de ces mines, à proximité des corons de Méricourt, à une profondeur de 280 mètres, où l'on procédait à des travaux de maçonnerie. Dans le dessein de circonscrire l'incendie, M. Barault, ingénieur, était descendu aussitôt dans la fosse pour faire opérer des travaux d'étouffement. La compagnie de Courrières était réputée pour ses scrupules d'hygiène et pour la rareté des accidents. Son territoire était d'ailleurs très peu grisouteux. Les uns croient néanmoins à une explosion de grisou, les autres à un incendie de poussières; peut-être les deux phénomènes ont-ils eu un rôle.

Une autre hypothèse est que la chaleur du petit incendie de la fosse du n°3 se sera communiquée aux travaux abandonnés où s'étaient accumulés des gaz qui auront explosé comme une lampe Bunsen ou un chauffe-bains brusquement allumé.

Toute la région est en deuil. Des familles d'une dizaine de personnes ont disparu.

Par train spécial, MM. Dubief, ministre de l'intérieur, et Gauthier, ministre des travaux publics, partis de Paris à 5h.25, sont arrivés à Sallaumines à huit heures du soir. Avec M. Lafond, directeur au ministère des travaux publics, et M. Keraudren, officier d'ordonnance du Président de la République, ils ont gagné en voiture, sous une pluie battante, les bureaux de la Compagnie. M. Lavaurs, directeur général, les a reçus. M. Duréault, préfet du Pas-de-Calais, leur a présenté le personnel dirigeant des mines de Courrières puis ils ont visité la fosse n°3 et assisté aux tentatives acharnées de l'inspecteur général Delafond, de l'ingénieur en chef Léon et de l'ingénieur Petitjean pour descendre dans le puits obstrué par les débris. Demain matin 11 mars, à six heures et quart, les ministres, qui auront couché à Arras, repartiront pour la mine. Ils rentreront à Paris dans l'après-midi.

Il est impossible encore d'évaluer les dégâts. On croit à un affaissement de terrain qui a pu affecter le sous-sol de plusieurs communes Méricourt-Coron, Sallaumines, Billy-Montigny, Montignyen-Gohelle et peut-être plusieurs autres. Toute la région est en deuil. Des familles d'une dizaine de personnes ont disparu.

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Plus de 25000 personnes ont stationné jusqu'à ce soir aux abords des puits. Cette foule était, dans l'ensemble, muette et prostrée; pourtant on y discernait déjà des signes d'une exaspération qui, demain, veut-on croire, se sera apaisée dans la douleur unanime. [...]

Par dépêche d'un correspondant: G. A.
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