Renseignement, premiers secours, forces d'intervention : ce que recommande la commission

Revue de Presse BSPP

Renseignement, premiers secours, forces d'intervention : ce que recommande la commission

Nouveau messagede Admin » 06 Juil 2016, 14:36

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Après six mois de travail et près de quarante auditions, les députés adoptent aujourd'hui le rapport disséquant les failles identifiées après les attentats de 2015 en France.

Dysfonctionnement. Le mot a parcouru les six mois de travail de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015 en France, qui adopte mardi son rapport. Un terme qui a fait bondir Bernard Cazeneuve, figure politique de la lutte contre le terrorisme, lors d’un échange inhabituellement tendu avec le président de la commission, le député LR Georges Fenech.

Les questions posées par les attaques restent pourtant très nombreuses. Pourquoi les unités d’intervention ont-elles mis si longtemps avant de donner l’assaut au Bataclan le soir du 13 Novembre ? Comment des individus fichés par les services de renseignement ont-ils pu subitement sortir des radars ? Les forces de secours auraient-elles pu intervenir avant pour limiter le nombre de blessés ? «Nous cherchons à comprendre ces trous dans la raquette», ont indiqué les membres de la commission en préambule de leurs auditions. En 2015, les jihadistes ont tué 148 personnes en France.

Fruit de trente-six auditions (quatre ministres, tous les directeurs des services de renseignement français…), mais aussi de plusieurs séjours à l’étranger (Bruxelles, Ankara, Athènes, Tel Aviv, Jérusalem, Washington), le rapport de la commission émet 39 propositions, que Libération a pu consulter, dans des champs aussi divers que le statut des victimes, les unités de secours, les forces d’intervention et bien sûr le renseignement. «Sans esprit partisan», insistent le président et le rapporteur, le député PS Sébastien Pietrasanta, bien conscients que certaines de ces recommandations risquent de créer quelques remous.
Vers un big bang dans le renseignement ?

A lire les sept propositions du rapport qui y sont consacrées, les changements préconisés dans le renseignement s’apparentent moins à une nouvelle réforme qu’à une véritable révolution. En s’appuyant sur les différentes failles identifiées après les attentats de Charlie et du 13 Novembre, les parlementaires sont partis d’un triple constat : l’organisation du renseignement est trop complexe, les différents services sont mal coordonnés et l’information est insuffisamment partagée.

Principale proposition découlant de ce diagnostic, la création d’une nouvelle agence nationale de lutte antiterroriste, chargée à la fois d’analyser la menace, de planifier la stratégie et de jouer un rôle de coordination opérationnelle. Rattachée directement à Matignon, cette nouvelle agence pourrait puiser dans une base de données commune à l’ensemble des services de renseignement.

Autre idée radicale avancée par la commission : la création d’une direction générale du renseignement territorial, qui fusionnerait le SDAO (service de renseignement de la gendarmerie) et le SCRT (Service central du renseignement territorial de la police nationale). L’idée de cette structure hybride police/gendarmerie est de pallier le recul du renseignement de proximité, patent depuis la disparition des Renseignements généraux en 2008. Une critique unanimement partagée après les attentats parisiens.

Les parlementaires recommandent en outre de transférer les compétences de la DRPP (Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris) à la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) afin d’en finir avec le pouvoir démesuré de la préfecture de police de Paris, cet «Etat dans l’Etat». En 2012, la traque des frères Kouachi avait mis en lumière la mauvaise coordination entre ces deux services. L’idée d’une fusion risque néanmoins de faire grincer quelques dents dans la maison police tant les prérogatives de la préfecture parisienne sont ancrées dans les mœurs.

La commission préconise également la mise en place d’un véritable bureau du renseignement pénitentiaire «pleinement opérationnel». Comme l’a révélé Le Monde, un rapport commandé par le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, pointe les «incohérences» et les «dysfonctionnements» du dispositif actuel. Sa réforme semble donc inévitable. Une mutation globale qui pourrait se faire grâce à une diversification des recrutements, notamment grâce à l’embauche d’experts contractuels.

Autre manque souligné par les parlementaires : l’absence de coordination stratégique au sommet de l’Etat. La commission pointe en particulier la confusion des rôles entre d’un côté l’Uclat (Unité de coordination de la lutte antiterroriste) et l’Emopt (Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme), rattachés au ministère de l’Intérieur. Et de l’autre le coordinateur national du renseignement (CNR), qui dépend de l’Elysée. Le rapport recommande de fusionner les deux premiers et de renforcer les prérogatives du troisième, en lui octroyant une capacité d’arbitrage budgétaire pour en faire un véritable directeur national du renseignement, sur le modèle du DNI (Director of national intelligence) américain, créé après le 11 Septembre.
Forces de l’ordre, secours, Vigipirate

La question des «primo arrivants» (secours, forces d’intervention…) sur une scène d’attentat, comme le Bataclan le soir du 13 novembre, a traversé les débats de la commission d’enquête sur plusieurs volets. Les secours d’abord. Auditionnés par les parlementaires, les responsables de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du SAMU, avaient insisté sur deux délais cruciaux : un blessé sur deux meurt dans les cinq premières minutes suivant une blessure par armes de guerre, trois sur quatre pendant les trente minutes. Pour limiter le temps de prise en charge des blessés, les députés proposent de «constituer sur l’ensemble du territoire national des colonnes d’extraction des victimes composées de secouristes intervenant sous la protection des forces d’intervention», d’étendre à tout le territoire le plan prévu en cas frappes simultanées dans plusieurs endroits («plan alpha») et de former toutes les équipes de secours à la médecine de guerre. «Il y a un concept fort en médecine militaire qui est celui de mort évitable. […] En arrêtant les hémorragies, 90% des morts sont évitables» avait indiqué à la commission d’enquête le médecin chef de la BSPP. Les députés proposent donc de former l’ensemble des équipes de secours à la médecine de guerre et d’inciter l’ensemble de la population à se former aux premiers secours, sur le modèle de ce qu’a fait la mairie de Paris.

Outre les secours, les députés se sont penchés sur l’intervention des premières forces de sécurité : les unités d’intervention (Raid, BRI, GIGN), les forces de l’ordre, les militaires de Sentinelle. Pour ces derniers, la commission d’enquête recommande de les doter d’armes de poing (les chefs d’équipe en ont déjà), plus adaptées aux villes que le Famas, et surtout de revoir à la baisse les effectifs de Sentinelle. En échange de quoi, Vigipirate serait renforcé par 2000 policiers et gendarmes. Tous les policiers et gendarmes devraient être mieux entraînés, en tirant plus de cartouches chaque année, demandent les députés.

«Nul ne peut nier la guerre des polices qui perdure» reconnaît sans détour Georges Fenech à propos des rivalités entre unités d’élite. L’assaut au Bataclan et celui, chaotique, de Saint-Denis quatre jours plus tard ont ravivé les tensions. Devant la Commission, Bernard Cazeneuve a confié avoir eu un tête-à-tête avec les directeurs des trois services : «Je leur ai dit que, certes, il était possible de perpétuer la tradition de la "guerre des services", mais que le pays était confronté à une menace terroriste extrême et que les Français attendaient que la République les protège des terroristes.» Le ministère de l’Intérieur a depuis défini un nouveau schéma pour les forces d’intervention, coordonnées par une unité dédiée (l’Ucofi), dont la commission voudrait étoffer les effectifs.
Politique pénale et sécuritaire

Difficile de réformer en profondeur l’antiterrorisme sans toucher à l’appareil répressif. Plusieurs propositions émises par la commission concernent donc directement la politique pénale. Elles visent d’une part à exclure les personnes condamnées pour des actes terroristes du bénéfice de réduction de peine prévue par le code de procédure pénal. Et d’autre part à renforcer les modalités du contrôle judiciaire pour les personnes mises en examen pour des infractions à caractère terroriste. En cause : le cas de Samy Amimour, l’un des kamikazes du Bataclan, qui avait pu quitter le territoire alors qu’il était sous contrôle judiciaire.

Les parlementaires recommandent également la mise en place d’un plan de recrutement dédié aux juridictions spécialisées dans le traitement des affaires de terrorisme, confrontés à une explosion du nombre de dossiers. Pour faciliter l’obtention d’informations en amont, la commission conseille également d’engager une réflexion sur l’assouplissement du cadre juridique du statut de «repenti» dans le domaine du terrorisme.

Au niveau sécuritaire, la commission propose principalement le lancement de deux plans nationaux d’investissement, le premier dans la vidéoprotection et le second dans le maillage territorial au moyen de portiques équipés de lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation (LAPI). Les parlementaires préconisent enfin de lancer une réflexion sur la sécurisation des installations jugées sensibles, comme les aéroports et les équipements scolaires.
Le rôle des médias en temps de crise

Les dysfonctionnements identifiés par les parlementaires ne se limitent pas à la sphère publique. Deux propositions, plus inattendues, touchent au rôle des médias (traditionnels et sociaux) pendant les attentats. Lors de ses auditions, les députés ont évoqué le cas de BFMTV, qui avait furtivement révélé à l’antenne la présence d’otages dans l’Hyper Cacher le 9 janvier 2015. L'attentat fit cinq morts en comptant le preneur d'otages, tué lors de l'assaut policier. Au-delà, le CSA avait sanctionné seize chaînes pour la «diffusion de certaines informations, à l’heure où les terroristes pouvaient encore agir, susceptible de menacer gravement la sécurité des personnes retenues».

La commission recommande donc d’«engager une réflexion […] afin de définir le rôle et les obligations des journalistes et des réseaux sociaux à l’occasion [d’un attentat] et les modalités de la collaboration entre les pouvoirs publics et les médias dans [ce contexte]». Le tout pouvant «aboutir à un protocole signé entre tous les acteurs intéressés». Plus grave, elle suggère la création d’une infraction punissant «la diffusion – sur tout support – d’une information susceptible de causer un préjudice à toute personne présente sur le lieu d’un attentat».
Coopération internationale

Salah Abdeslam a pu quitter la France la nuit suivant les attentats du 13 Novembre en raison de la mauvaise coordination des services de renseignement européens, notamment dans la gestion d’un fichier : le Système d’information de Schengen (SIS). Tous les Etats membres n’y versent pas les mêmes informations. Dans le cas d’Abdeslam, la Belgique n’avait pas indiqué qu’il était connu pour sa radicalisation. La commission d’enquête propose donc de renforcer ce fichier de police européen, en élargissant l’accès à Europol, l’agence de lutte contre la criminalité, et à Frontex, l’agence de surveillance des frontières de l’UE. Ces deux agences sont au cœur des recommandations européennes. En Grèce, où ont transité plusieurs auteurs des attentats du 13 Novembre, la Commission d’enquête préconise qu’Europol renforce Frontex «dans chaque hotspot, dans le domaine de la gestion des flux migratoires».

Les députés osent même deux propositions sur l’action extérieure de la France. La première, déjà formulée par de précédentes commissions d’enquête, a tout d’un vœu pieux : «Engager une initiative forte auprès du gouvernement turc et de la coalition internationale pour sécuriser la frontière turco-syrienne». L’objectif est de tarir «le flux des combattants francophones qui transitent par la région de Manbij». Quant à la seconde, elle vise à mener une initiative similaire auprès du gouvernement irakien «pour [y] intervenir plus massivement, y compris au sol, afin de reprendre les derniers territoires occupés par Daech».

Source : Le Figaro
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