Explosion à Paris : «Une vingtaine de vies ont été épargnées grâce à ces deux pompiers»

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Explosion à Paris : «Une vingtaine de vies ont été épargnées grâce à ces deux pompiers»

Nouveau messagede Admin » 18 Jan 2019, 10:21

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Le Général Jean-Claude Gallet, commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, revient sur le drame de la rue de Trévise, dans lequel deux de ses hommes sont décédés le 12 janvier.

Que représente l’hommage national rendu ce jeudi matin au première classe Nathanaël Josselin et au caporal-chef Simon Cartannaz ?

Jean-Claude Gallet. Il est important pour la brigade de donner un sens à cette disparition brutale. Avec la Nation, la République, les ministres, les élus, mais aussi leurs camarades, pour ceux qui ne seront pas retenus par le service. Les cercueils vont traverser cette cour (NDLR : de l’état-major, à Paris, XVIIe), pour être déposés devant le mur des morts au feu, 26 désormais depuis 1967. C’est notre Panthéon.

Leur nom sera prononcé tous les lundis matin dans les 80 casernes. On gardera ces images lumineuses de pompiers souriants, aimant la vie, déterminés à aller jusqu’au bout dans l’accomplissement de leur mission.

Que savez-vous des circonstances de leur décès ?

Il y a eu une explosion due au gaz, qui part du sous-sol et dont l’origine sera vraisemblablement bientôt déterminée par l’enquête de la police judiciaire. Les deux sapeurs-pompiers ont été projetés à plusieurs mètres par une explosion d’une très forte intensité, avec la rupture de deux conduites de gaz.

Ils ont épargné des vies en demandant aux gens de rester chez eux et en effectuant un périmètre de sécurité avant de mourir. Ils ont épargné une vingtaine de vies, dans ce quartier très passant, avec trois hôtels aux abords bourrés de touristes.


Comment le troisième pompier a pu être sauvé ?

Un dessinateur de la brigade, qui avait interrogé deux camarades survivants, a réussi à localiser sur un croquis l’endroit où pouvait être ce pompier. A ce moment, le temps joue contre nous, des débris tombent, le feu se propage et il ne faut pas mettre trop d’eau pour ne pas alourdir la structure.

C’est le chaos, l’immeuble va peut-être tomber. Est-ce que la brigade accepte de perdre six pompiers pour le localiser, sans savoir s’il est encore vivant et qu’il a déjà deux camarades tués sur le coup ? La question est implicite, la décision, collective. Cela se fait au regard. Et ça se traduit par : on y va, et on assume.

Celui qui y va va risquer sa vie. Il passe sur une échelle, une autre, cherche, ne trouve pas, ça s’écroule… Il continue à chercher, le feu baisse suffisamment d’intensité pour écouter les bruits. Les chiens se brûlent les pattes, cinq ont d’ailleurs été blessés. Le pompier rescapé emprisonné sous les gravats se voyait mourir, il respirait les gaz chauds, sous 50 cm de gravats.

On trouve un homme enseveli. A sa tenue, on sait que c’est lui ! La seule solution était le déblaiement des gravats à la main, mais on entend craquer l’immeuble et on voit des fissures horizontales, la structure est atteinte.

Saviez-vous si l’immeuble allait tenir ?


A ce moment on est incapable d’évaluer s’il y a encore des piliers porteurs, en fait, ça ne tenait plus sur rien. Le sapeur-pompier a pu être extrait verticalement, en barquette. une équipe de huit hommes étaient autour de lui et une dizaine d’autres réunis pour le recueillir. On a quatre personnes décédées dont deux pompiers mais lui est vivant, sauvé dans des conditions inouïes… C’est une victoire contre la mort.

Comment va-t-il ?

Il est sorti d’affaire sur un plan physique, il a été sauvé par ses camarades. Mais il a vu la mort. Il va falloir l’accompagner. Il sera présent à l’hommage.

Après la mort du sergent Jonathan Lassus-David, 28 ans, dans un incendie à Choisy-le-Roi, et celle du première classe Geoffroy Henri 27 ans, poignardé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), la brigade paye un lourd tribut.

C’est une infinie tristesse. Les pompiers sont toujours prêts à y aller quand il s’agit de sauver une personne. Mais à Villeneuve-Saint-Georges, l’un des nôtres a été assassiné. C’est une fin tragique, absurde, et la brigade en porte encore les stigmates.

C’est un traumatisme ?

Pas un traumatisme, mais une appréhension nouvelle et une colère qui concerne l’ensemble de la brigade, pas seulement le Val-de-Marne. Parce que, contrairement au policier ou au gendarme, le pompier n’est pas un régulateur de violence. Pour nous, la personne à secourir est une victime.

Les agressions ont augmenté de 60 % en 2018 : il y a pratiquement un pompier agressé par jour, et très souvent par la victime secourue. Deux tiers des agressions ont lieu sur fond d’alcoolémie.

Cela modifie-t-il les interventions ?

Nous allons introduire un cursus de formation pour détecter les situations anormales de comportement. Autre piste, des gilets qui parent les coups de couteau. Cela veut dire implicitement que c’est aux pompiers d’accepter la violence de la société et qu’on ne protège plus les sauveteurs. Un paradoxe, non ? Cela peut renforcer la perte de repères, dans une période de surchauffe opérationnelle qui induit déjà une baisse de motivation chez nos jeunes.

Comment s’explique l’augmentation des interventions ?

La brigade est calibrée pour 450 000 interventions par an. En 2018, on a dépassé les 522 000. Ça s’accélère depuis 2015 et ça s’explique par le faible réseau de médecine de ville et de maisons de santé. Les sollicitations se reportent sur les sapeurs-pompiers, notamment, avec une augmentation des secours à personne (blessures, chutes…) : ce sont 80 % de nos interventions. Ça ne va faire qu’augmenter avec le vieillissement de la population.

Et parallèlement, il y a 100 000 interventions qui ne nécessitent pas de gestes de secouristes, mais qui répondent à une inquiétude, à un problème d’orientation médicale, une détresse psychologique.

Y a-t-il une désaffection pour la carrière de sapeur-pompier ?

Pas en termes de recrutement mais depuis un an, on est passé de 83 % à 52 % de demandes de renouvellement de contrat après cinq ans. Les jeunes sont prêts à risquer leur peau, mais pas à intervenir pour tout et n’importe quoi.

Pourtant, les élans de solidarité, dont le pot commun ou l’engagement de personnalités du spectacle, témoignent d’un capital sympathie envers les pompiers.

Oui et, d’ailleurs, je tiens à saluer le sens civique et la patience de la population, samedi, dans le quartier Trévise. Dans ce chaos, des personnes ont aidé immédiatement. De temps en temps, en France, on est capable de mettre le sens collectif au-dessus des intérêts personnels.

Et l’élan de solidarité depuis nous touche énormément. Cela nous porte dans cette épreuve, et cela veut dire qu’on a un devoir à tenir. Mais il faut nous aider à réduire ce nombre d’interventions qui ne sont pas motivées. Il faut trouver des réponses collectives.

source : Le parisien
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