NEUF POMPIERS TUÉS PAR UN FLASHOVER- 2007

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NEUF POMPIERS TUÉS PAR UN FLASHOVER- 2007

Nouveau messagede Fireserge33 » 07 Avr 2013, 19:32

27/03/2013
Neuf pompiers tués par un flashover


Un an après le sinistre, toutes les mesures dites « d’urgence », édictées dans le document du 17 août 2007, ont été prises en compte et actées au niveau du corps des pompiers de Charleston. Ainsi, le principe d’armement minimum des engins d’attaque à quatre pompiers a été validé, en attendant une augmentation de l’effectif à terme de 15 %. © DR
Neuf pompiers américains sont morts au feu le 18 juin 2007, dans un incendie de magasin de meubles. Depuis, les pompiers et la municipalité se sont remis en question pour analyser et comprendre cet accident mortel afin de prendre des mesures d’urgence au niveau du corps tout entier.
Il est 19 h 08 lorsque parvient le premier appel au Charleston Fire Department signalant un incendie important à l’arrière du magasin Sofa Superstore. L’alerte est retransmise aux casernes de la pompe 11 située à environ 1 km du magasin, de la pompe 10 et de l’échelle 5 à bord de laquelle prennent place le pompier Brandon Thompson qui remplace un de ses collègues, ainsi que Michaël French et Mark Kelsey. L’assistant Chief (AC) Garvin, officier supérieur, et le battalion chief Aytes (BC4) se trouvent alors à la caserne de la pompe 11 et s’engagent spontanément, au vu des informations reçues. Au cours du trajet, le BC 4 signale un important panache de fumée et demande un engin-pompe supplémentaire. Étant donnée la proximité de l’intervention, il se présente deux minutes plus tard et se dirige sur le coté du magasin, d’où se dégage la fumée.

À 19 h 11, l’AC Garvin ainsi que les pompes 10 et 11 se présentent. L’AC se gare face au magasin, entre par le hall d’exposition, va jusqu’au fond, puis ressort à l’avant du magasin où le rejoint le BC Aytes. Il lui signale que le feu se situe au niveau du quai de chargement, entre le hall et la réserve de stockage, qu’il intéresse une benne de déchets et des emballages en appui le long des parois et qu’une lance a été mise en manœuvre. Aytes retourne sur le côté du bâtiment tandis que Garvin choisit de rester devant et demande un engin-pompe supplémentaire. Il tente de se faire une idée précise de la situation et de son évolution possible en envoyant un binôme en reconnaissance à l’intérieur. Lorsqu’il est entré dans le magasin, Garvin n’a rien constaté d’alarmant à l’exception d’une très légère émission de fumées vers le fond au niveau du faux-plafond. Il en déduit qu’il s’agit de quelques fumeroles, conséquences du feu extérieur, et ne présentant pas de risque particulier pour le hall d’exposition. Bien que le corps de pompiers dispose de quelques caméras thermiques, celle de la pompe 10 restera inutilisée.

Garvin pénètre de nouveau dans le magasin, dont les portes avant sont restées grandes ouvertes et se dirige vers le fond au niveau de la porte qui donne vers le quai de chargement reliant le hall d’exposition et l’entrepôt de stockage. Lorsqu’il ouvre la porte, elle lui échappe des mains par la force de l’appel d’air généré par le foyer. Il n’arrivera pas à la refermer et les flammes envahissent rapidement le hall. À 19 h 14, Garvin demande de nouveaux renforts.



Six minutes nous séparent de la première alerte. Le feu se développe très rapidement. Une grosse lance est donc établie à l’intérieur du magasin, appuyée par une seconde. Parmi les équipages engagés à l’intérieur se trouve celui de l’échelle 5. Deux engins demandés en renfort se présentent : il s’agit respectivement de la pompe 16, à bord de laquelle se trouvent Melvin Champaign, Mike Benke, et Art Wittner, ainsi que la pompe 19 armée par Billy Hutchinson, James Drayton et Brad Baity. Les fumées dans le hall d’expo s’épaississent, mais l’AC Garvin pense encore être en mesure de pouvoir contrôler la situation.

Il est 19 h 16 lorsque le Chief Rusty Thomas, chef de corps, arrive sur le parking. Il enfile à la hâte sa veste de feu, coiffe son casque blanc puis s’avance à la rencontre de Garvin. Il donne des ordres, demande de prévoir une attaque aérienne et fait redéployer les moyens afin d’assurer la couverture opérationnelle de la ville. Plusieurs pompiers de repos se présentent spontanément. Certains disposent de leur tenue de feu dans le coffre de leur véhicule personnel et s’intègrent dans le dispositif d’attaque.

De l’extérieur, on peut apercevoir des fumées grisâtres sortant sous pression au niveau des joints sur le côté droit du bandeau supérieur de la façade avant, mais aucun des pompiers ne le remarque.

Les conducteurs des engins-pompes déployés autour du bâtiment réclament de l’eau, les tuyaux d’alimentation s’aplatissent. Les engins utilisent des tuyaux de petit diamètre pour s’alimenter. Tous les poteaux d’incendie à proximité de l’intervention sont utilisés. Plusieurs pompes sont alimentées de l’autre côté de l’avenue. Les tuyaux sont régulièrement écrasés par le passage des voitures circulant sur Savannah Highway, limitant l’alimentation des engins en eau. Dans le magasin, la situation se détériore, le feu s’intensifie au fur et à mesure de l’apport en comburant généré par l’ouverture des portes à l’avant, puis à l’arrière du magasin. Ce tirage alimente le foyer en oxygène. La température s’élève, ce qui fragilise progressivement la structure métallique soutenant la toiture.



Sauvé des flammes

Il est maintenant 19 h 20, cela fait douze minutes seulement que l’alerte a été transmise aux pompiers de Charleston. Des renforts des corps environnants se présentent, certains spontanément. Des missions leur sont assignées. À quelques mètres de là, Jonathan Tyrell est allongé au sol dans l’atelier de l’entrepôt où il est bloqué par les flammes, cherchant un peu d’air frais. Il compose frénétiquement le 911 sur son téléphone portable qui capte difficilement un signal à l’intérieur de cette structure métallique. Il réussit enfin à signaler sa présence. L’information est immédiatement transmise au Cos sur place tandis que le standardiste demande à John de frapper sur les parois avec un marteau afin d’aider les équipes de pompiers à le localiser. L’atelier dans lequel se trouve Tyrell est vite repéré, une équipe réussit à créer une brèche dans le bardage lui permettant ainsi de se frayer un passage vers l’extérieur. Il est finalement libéré, couvert de suie, intoxiqué, mais hors de danger. À 19 h 31, un équipage de paramédics le prend en charge.

Vingt-trois minutes depuis la première alerte ! Les conditions à l’intérieur du magasin se détériorent très rapidement maintenant. Les flammes crépitent au fond du hall d’exposition, les fumées s’épaississent davantage et la température est de plus en plus élevée. Les matériaux combustibles pyrolysent, alimentant l’incendie en combustible. Une douzaine de pompiers sont engagés dans le hall d’exposition pour combattre les flammes, pied à pied et tenter de les contenir au fond du magasin. Leur cheminement est rendu difficile au travers des différents éléments de mobilier tandis que le tapis de fumée s’abaisse et que la visibilité décroit.



À la radio, les transmissions passent difficilement. Les messages sont donc parfois inintelligibles. Soudain, on entend pourtant l’un des pompiers préciser qu’il a perdu le contact avec le tuyau de l’établissement…

19 h 32 : tout bascule ! Depuis l’extérieur, les signes des phénomènes thermiques qui se développent sont inquiétants. Les fumées sont de plus en plus denses, noires, épaisses et sortent à grande vitesse. Le foyer est devenu incontrôlable. L’évacuation du bâtiment est impérative. Le signal « mayday, mayday, mayday » est transmis au moyen de plusieurs coups de corne de brume des engins d’incendie. Le Cos reçoit alors un message de l’un des soldats du feu : « Chef, dîtes à ma femme que je l’aime ! »

Il demande le silence radio pour tenter de faire le point. Il ne sait ni qui a demandé le « mayday » ni combien de pompiers se trouvent à l’intérieur du magasin. La confusion est totale. « Recensez vos personnels ! », demande-t-il aux chefs d’agrès.

À travers le nuage de fumées, on distingue le halo lumineux du projecteur portatif d’un pompier. Il se dirige vers la vitrine et la longe jusqu’à la sortie. Un autre le tire vers l’extérieur et l’aide à retirer son masque. Il est désorienté. Il ne réalise pas qu’il vient d’échapper à la mort. Le central d’alerte signale au Cos que la touche « SOS » du conducteur de l’échelle 5 vient d’être activée. Il s’agit de Mike French. On l’appelle, en vain !

C’est à ce moment-là que l’ordre est donné de briser la vitrine afin de faciliter la sortie des pompiers restés à l’intérieur. Cette décision sera fatale. À la suite de cette action, le feu va prendre de l’ampleur. Les fumées sortent vers l’extérieur avec beaucoup d’énergie, s’élèvent au dessus de la façade. Dans le même temps, le feu aspire avidement l’air dont il manquait afin de pouvoir complètement se développer. En quelques secondes, on voit apparaître des flammes au travers des fumées, la chaleur radiante est intense, le feu crépite de plus belle.

19 h 38. Des pompiers tentent d’avancer une lance dans le magasin, lorsque soudain ils aperçoivent l’un des leurs allongé au sol criant à l’aide. Il échappera lui aussi in extrémis au brasier ainsi que sept autres de ses collègues. À 19 h 41, le hall d’exposition s’embrase. Les flammes ravagent tout l’intérieur du magasin et jaillissent avec force. L’attaque reprend depuis l’extérieur au moyen de lances à main, des pompiers de repos et en civil prêtent main forte, on utilise tous les moyens de lutte disponibles allant même jusqu’à dérouler les dévidoirs tournants. Une action aussi désespérée qu’inefficace. Personne ne baisse les bras. Le battalion chief Bob O’Donald tente désespérément de pénétrer plus avant dans le magasin mais il ressort très vite, repoussé par le mur de flammes et de chaleur. Il est brûlé aux mains.

Plusieurs signes avant-coureurs de développement du feu et du phénomène d’embrasement généralisé éclair n’ont pas été identifiés. La présence de fumées au niveau du faux plafond et du bandeau de façade du magasin, la non prise en compte de la gestion du comburant grâce aux multiples ouvertures des portes, la destruction de la vitrine… ont impactés de manière significative le développement de cet incendie.

Les éléments métalliques de la charpente se tordent sous l’effet de la chaleur, le bâtiment s’effondre soulevant une énorme gerbe de flammes et de braises. Il est 19 h 45. Combien y a-t-il de pompiers sous les décombres ? Nul ne le sait. Vers 22 h, le maire de Charleston, Joseph Riley, organise une conférence de presse au cours de laquelle il annonce que plusieurs pompiers sont portés manquants à l’appel. Tout au long de la nuit, les opérations d’extinction, de déblai puis de décompte se poursuivent. Le nombre total de victimes ne sera connu que vers quatre heures du matin le lendemain. La liste comporte neuf noms. Aux dires du médecin-légiste, leur décès est dû à l’effet combiné des intoxications et des brûlures, mais en aucun à des traumatismes liés à l’effondrement de la structure métallique. Cette intervention a entraîné le plus grand nombre de morts au feu aux États-Unis après les attentats du 11-Septembre à New York.



Analyse d’une mort annoncée

Le maire de Charleston a souhaité faire toute la lumière sur cette affaire. C’est ainsi qu’une organisation fédérale chargée de l’étude des problèmes d’hygiène et de sécurité au travail, le NIOSH (National Institution for Occupational Safety and Health), a été mandatée tandis que la municipalité créait parallèlement une commission d’enquête indépendante chargée d’analyser le fonctionnement du corps des pompiers et de faire des propositions concrètes et constructives d’amélioration. Cette commission d’enquête était composée de cinq membres, tous pompiers professionnels originaires de différents services d’incendie de différents états américains (New York, Arizona, Louisiane, Géorgie, Maryland) auxquels s’ajoutait le chargé des relations publiques du corps des pompiers de Charleston.

Dès le 17 août 2007, soit deux mois à peine après le drame, la commission a rendu un premier rapport comprenant plusieurs recommandations à réaliser au plus vite. Elle a ensuite continué ses travaux qui ont été compilés dans un rapport, dénommé « phase 1 » qui fût remis aux autorités municipales le 16 octobre 2007. La seconde partie des travaux d’analyse réalisée par le NIOSH, dénommé « phase 2 », fût quant à elle terminée et remis au maire en date du 8 mai 2008, soit quelques jours avant la date anniversaire du drame.

Parmi les dysfonctionnements relevés, le niveau très variable d’équipement en EPI et l’absence de cagoules, le manque de formation et l’effectif inapproprié des pompiers, l’armement insuffisant des engins et surtout la mauvaise gestion opérationnelle et le commandement. Ainsi, les Cos successifs se sont, à plusieurs reprises, directement impliqués dans le dispositif, s’empêchant de garder un recul pour apprécier l’ampleur du sinistre et son développement. La gestion du recensement des personnels engagés sur opération tout comme leur engagement ont été défaillants, compte tenu du risque d’effondrement de la structure métallique. De plus, les choix tactiques réalisés, la mise en œuvre de moyens hydrauliques et la gestion des ouvrants se sont révélés inadaptés. On regrette aussi la coordination déficiente des différents moyens engagés, y compris ceux extérieurs au Charleston Fire Department. Enfin, les consignes stipulant que chaque pompier engagé doit être doté d’un poste radio portatif n’ont pas été respectées.

À l’issue de la publication de ce rapport, le chef de corps Rusty Thomas a remis sa démission au maire de Charleston. Cette capacité d’introspection, d’objectivité de jugement et de volonté de changement rendent ce retour d’expérience particulièrement constructif et impactant au niveau tant de Charleston qu’à l’échelle nationale, voire internationale.

source le soldat du feu
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